samedi 1 mai 2010

Francis Caballero, Le droit de la drogue, Dalloz, 2000

Francis Caballero formule une proposition raisonnable : il faut mettre un terme à une prohibition qui favorise les trafics et la corruption ; l'addiction à une drogue étant par ailleurs une maladie, il faut en médicaliser la distribution.

J'ai parlé de cette idée à des amis policiers. "Oui, dirent-ils, c'est une bonne idée mais sa mise en pratique mettrait le feu à certains quartiers où le trafic de drogue est la seule activité économique". Nous sommes donc coincés, me suis-je dit avec tristesse. Le trafic est tellement entré dans les mœurs qu'on ne peut plus prendre le risque de supprimer la prohibition...

Mais quel est donc le but de la répression menée en ce moment dans quelques-uns de ces fameux "quartiers" (perquisitions, saisies de drogue et d'argent) ? "La drogue, disent nos vaillants politiques, c'est le mal à l'état pur et on ne fera jamais trop contre elle".

Il faudrait pourtant d'abord qu'ils cessent, ces politiques, de consommer cette cocaïne qui, tout en détruisant peu à peu leur cerveau, leur fournit l'énergie factice qui les aide à être rapides et agressifs ! J'ai reçu sur ce point des confidences qui ne laissent malheureusement pas de place au doute... On comprendra que je garde les noms propres pour moi.

*     *

Je n'éprouve aucune compassion envers les consommateurs de drogue. Certes, ce sont des malades qu'il faut soigner, mais ce sont aussi des hypocrites et des mous. Les Américains, grands donneurs de leçons, s'activent pour détruire les plantations en Colombie et ailleurs - mais s'ils n'étaient pas d'aussi grands consommateurs le trafic s'arrêterait de lui-même.

Ceux qui se droguent, qui fument, qui boivent trop d'alcool, ont sans doute un problème psychologique. Pour le surmonter ils ont éprouvé le besoin de se donner un plaisir presse-bouton dont ils sont ensuite devenus prisonniers. Certains d'entre eux - j'en connais - s'imaginent faire partie d'une élite supérieure à la morale commune, et pensent-ils banale, dont ils se sont affranchis.

Mais revenons à ces politiques drogués qui, séparant leur action de leurs paroles, s'érigent eux aussi en donneurs de leçons. Ils espèrent sans doute susciter des troubles (caillassages et incendies des autobus, attaques contre les policiers) qui inciteront un électorat vieillissant et, croient-ils, peureux, à approuver une politique de plus en plus autoritaire et répressive.

S'ils voulaient vraiment lutter contre la drogue, ils la légaliseraient et la médicaliseraient. Cela mettrait peut-être le feu à certains "quartiers" mais pas plus que ne le font les perquisitions et les saisies - et cela résoudrait les problèmes que pose la prohibition.

Il faudrait seulement un peu plus de courage et un peu moins d'hypocrisie.

5 commentaires:

  1. le tabac est il une drogue ?

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  2. @Bisontin
    Oui, le tabac est une drogue puisqu'il suscite l'accoutumance et l'addiction.
    C'est en outre la drogue la plus meurtrière en France : on lui attribue 66 000 morts par an.

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  3. Tout est malheureusement logiquement imbriqué dans ce triste cercle vicieux actuel :

    L'addiction va avec la prédation ( ça me rappelle votre ouvrage sur le sujet ).

    Beaucoup d'affaires commencent à faire l'actualité ( drogues, prostitution etc).

    Quelques liens récent pour tenter d'appréhender le phénomène:

    http://philoscience.over-blog.com/article-une-societe-fondee-sur-le-brigandage-de-la-pire-espece-49029815.html


    http://www.agoravox.fr/rdv-de-l-agora/article/sexe-et-business-les-liaisons-74143

    Vous comprendrez mieux mon désir de liberté comme ce cher Richard Stallman ....

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  4. @herbe
    Un des personnages du roman Le Parador a pris pour devise "PAX" qui se déploie en "Pouvoir, Argent, Cocaïne, Sexe". Beaucoup d'hommes (et de femmes) de pouvoir vivent ainsi, les pauvres.
    Quand on adopte l'idéal de liberté, on découvre qu'il exige une forte discipline intime. C'est paradoxal, mais c'est ainsi.

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  5. Vous pointez justement le(s) paradoxe(s) de la prohibition : cette utopie croit naïvement supprimer le "mal" en l'interdisant, mais elle ne fait que l'aggraver démesurément. L'enfer est pavé de bonnes intentions...

    Le fait est qu'aucune société, aucune culture ne s'est dispensée de consommer des "drogues", au sens de substances psychoactives. Cette réalité est difficile à accepter pour les puritains. Leurs efforts pour contraindre la réalité à se conformer à leurs représentations, incarnés dans la politique de prohibition, engendrent des dégâts considérables, à tous les niveaux, mais, ironie de l'histoire, ces méfaits sont attribués aux drogues elles-mêmes, et non à la politique contreproductive qui les engendre !

    Toute personne un tant soit peu démocrate, préoccupée de droits de l'Homme, de justice, d'égalité, d'écologie, doit interpeller les élus et l'opinion pour exiger une réforme (seul domaine épargné par la réformite, curieux non ?) et que cesse l'hypocrisie. Comment accepter ce constat démagogique, défaitiste, à courte vue, sans ambition : "c'est une bonne idée mais sa mise en pratique mettrait le feu à certains quartiers où le trafic de drogue est la seule activité économique" ?
    (rien de moins sûr, en fait : une légalisation contrôlée permettrait à certains d'intégrer le circuit légal).

    Mobilisons-nous !
    htp://www.encod.org
    Lire, ici, des analyses :
    http://cannabis.free.fr/analyses/analyses.html

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